Image de la mémoire culturelle iranienne dans la littérature francophone Le cas de L’Usage du monde de Nicolas Bouvier Résumé : Dans les études culturelles récentes, la notion de mémoire occupe une place primordiale : les études de la mémoire ont constitué un champ d’étude propre. Les chercheurs mettent au centre de leur préoccupation les différentes dimensions de la mémoire : s’interrogeant sur le rôle de la mémoire dans la constitution d’une mémoire collective, Halbwachs développe la perspective sociologique de la mémoire. Assmann, pour sa part, reliant les dimensions culturelle et sociale de la mémoire, élabore la théorie de mémoire culturelle : pour Assmann, transmise et répétée par diverses formes de remémoration, de génération en génération et pendant des centaines, voire des millénaires, la mémoire culturelle qui contient des connaissances culturelles et historiques, fonde notre construction identitaire, marque notre temps, notre conscience historique, notre image personnelle et notre image du monde. L’organisation, la transmission et les institutions porteuses de la mémoire culturelle sont extrêmement diverses : la mémoire culturelle perdure à travers l’extrême diversité des manifestations culturelles ; elle est conservée dans les supports durables matériels ou immatériels : rituels, artéfacts (monuments, éléments architecturaux…), littérature (textes, images, chansons, narrations orales…), éléments du paysage naturel, médias contemporains (film), etc. Ce qui nous intéresse dans la présente recherche, c’est le fait de montrer la particularité des textes littéraires dans le processus de (re)construction de la mémoire culturelle d’un groupe social. Pour aborder cette question, nous étudierons la mémoire culturelle iranienne représentée dans L’Usage du monde (1963) de Nicolas Bouvier. Entre voyage et quête identitaire, Bouvier construit et reconstruit des espaces et des traces mémoriels d’Iran qui structurent son récit de voyage. L’écrivain-voyageur est à la fois celui qui rappelle et celui qui pérennise les événements et les souvenirs de son voyage. Il est investi d’une autre mission, celle qui consiste à romancer et esthétiser la mémoire culturelle de ses hôtes, les Iraniens, en évoquant des lieux (Shirâz, Takht-e Djamshid, Ispahan, Téhéran, Tabriz, Kermân…) et des noms assez symboliques (Hâfez, Nizami, Sa’di…). Il stylise ou romance des rites (voile) et des traditions culturelles (lecture des vers de Hâfez), ravive la mémoire et répertorie les lieux de mémoire indispensables à la reconstitution d’une mémoire culturelle. En plus de «formes objectives de culture », la littérature peut donc être le support d’expression de la mémoire : les textes littéraires, comme des modèles d’une mémoire collective peuvent saisir des tournures d’esprit d’une époque, ils donnent des informations sur la mentalité et les images culturelles, ils charrient également des phénomènes mémoriaux qui ont eu cours ou qui ont laissé des empreintes.

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